Histoire d’Adrián Silencio
Premier roman d’Éléonore Pourriat. Et pour un premier roman, un coup de maître. L’auteure — car il s’agit d’une autobiographie, n’en doutons pas — découvre dans la cave de chez sa mère un vieux cartable rempli de documents, pièces administratives, photos, tous consacrés à son grand-père maternel disparu.
Espagnol, trompettiste professionnel, joueur de tango argentin, syndicaliste, républicain, il a fuit le régime franquiste, laissant sa famille et pensant la retrouver quelques années plus tard.
La vie en décidera autrement, et de non-dits en tabous familiaux, avec une opiniâtreté hors du commun, l’auteure retracera l’histoire du grand-père.
Plus on lit, plus on a envie de savoir, de comprendre, d’identifier les fantômes, de leur prêter vie, de leur donner corps.
Bien des années après son grand-père, Cléo, sa petite fille, va s’expatrier, elle aussi et cette épreuve loin des siens servira de miroir à l’expatriation du musicien. Et c’est de là que… allez, je ne spoile pas…
Une histoire comme il en a existé sans doute beaucoup, mais racontée avec la passion d’Éléonore Pourriat. Une fois plongé dans toutes ces vies, vous ne trouverez jamais le bouton « pause ». Vous n’aurez de cesse de vous replonger dans la quête du grand-père, dans l’enquête de la petite fille.
le début de l’histoire
« Il y a ce que je sais, ce que je crois, ce que je crois savoir, et évidemment tout ce que je ne sais pas et que je ne saurai jamais. Quelques photos aussi. Je sais que mon grand-père s’appelle Adrien Silencio. Je sais qu’il est musicien professionnel dans les orchestres de tango — trompettiste, contrebassiste et flûtiste. Je sais qu’il parle français avec un fort accent espagnol, que ma grand-mère, elle, est française, née à paris, et qu’ils ont de nombreuses années d’écart. Je sais qu’elle s’appelle Vivianne Boitard, et qu’elle pleure quand on lui demande pourquoi elle ne porte pas le nom de son mari. Je sais que mon grand-père ne l’a jamais épousée, qu’elle en éprouve une honte cuisante et que c’est même la blessure de sa vie. Enfant, je lui envoie une carte postale sur laquelle j’indique son nom de jeune fille, comme un clin d’oeil, pour lui montrer que je connais la vérité et qu’elle ne me pose pas de problème, mais elle pleure, m’en veut et j’en éprouve à mon tour une honte cuisante. »