Écrire en mots très choisis
La langue des dieux c’est la poésie. Si j’aime Georges Brassens depuis mon enfance c’est pour plusieurs raisons.
Il a mené la poésie, enfin ses textes, ses « chansonnettes », comme il le disait lui-même, à un niveau très élevé de perfection.
Il a amené la qualité du langage et l’érudition des images dans ce qu’on appelle le grand public. D’aucuns diraient qu’il a démocratisé la poésie. Et ça me plaît que la qualité soit rendue accessible.
Le personnage est bon ! Toute sa vie, il aura été du côté des faibles, des opprimés, des femmes, qui furent longtemps ses compagnons d’infortune. Sans en avoir l’air, il prêche le pardon, la miséricorde, la rédemption et je trouve cela infiniment respectable.
Il fut contre la peine de mort à une époque où c’était malséant. Nombre de ses chansons étaient d’ailleurs interdites de diffusion dans les années 60.
Fils de François Villon, j’aime à croire que ce type est le fruit de la poésie et du repentir, des belles lettres et de la résilience, de la foi et de l’anarchie, de la miséricorde et de l’art, de la chansonnette et du jazz.
Un chef d’œuvre, un bijou
Admirez-donc ce chef d’œuvre, ce bijou de mots choisis : ça s’appelle « La Marguerite ». Les vers sont extrêmement courts : 4 et 3 pieds seulement ! Les rimes sont riches ou au minimum suffisantes néanmoins. On y trouve même une magnifique allitération ! (C’est quand les sons qu’on prononce évoquent ce que l’on est en train de dire : « Que ces messes basses cessent ». msss-bsss-sss-ssss).
C’est l’histoire d’une marguerite, vous savez, le symbole de l’amour : je t’aime, un peu, beaucoup… Mais voilà que cette marguerite tombe malencontreusement du livre de messe d’un curé ! Fichtre ! Que faisait donc là cette marguerite !?! Penserez-vous vous aussi qu’il y aurait… anguille sous roche ?
Voici, en vers courts, en rimes riches et en mots très choisis l’histoire de la marguerite :
La marguerite
La petite
Marguerite
Est tombée
Singulière
Du bréviaire
De l’abbé
Trois pétales
De scandale
Sur l’autel
Indiscrète
Pâquerette
D’où vient-elle ?
Dans l’enceinte
Sacro-sainte
Quel émoi
Quelle affaire
Oui ma chère
Croyez-moi
La frivole
Fleur qui vole
Arrive en
Contrebande
Des plates-bandes
Du couvent
Notre Père
Qui j’espère
Êtes aux Cieux
N’ayez cure
Des murmures
Malicieux
La légère
Fleur peuchère
Ne vient pas
De nonettes
De cornettes
En sabat
Sachez diantre
Qu’un jour entre
Deux ave
Sur la pierre
D’un calvaire
Il l’a trouvée
Et l’a mise
Chose admise
Par le Ciel
Sans ambages
Dans les pages
Du missel
Que ces messes
Basses cessent
Je vous prie
Non le prêtre
N’est pas traître
À Marie
Que personne
Ne soupçonne
Plus jamais
La petite
Marguerite
Ah ça mais !
Je vous raconterai un jour ce que vous n’aurez sans doute pas encore découvert aujourd’hui dans ce texte. Oui, il y a plusieurs tiroirs secrets…
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