J'écris, tu écris, il ou elle écrit...

Pourquoi je fais ce que je fais…

On me demande souvent pourquoi je pratique mon activité d’écriture, moi qui fus éducateur spécialisé, directeur de centre, père au foyer, maire du Touvet, chanteur des Brasse-sens – ça, je le suis encore ! –, chef d’entreprise…

Pourquoi une fois en retraite pratiquer cette activité d’écrivain, d’écriture de sites Web, de récits de vie, cette activité de rédaction de propos ?

Eh bien j’ai cinq ou six ans à peine et mon père déclame devant sa famille – ma mère, mon frère et moi – une fable de La Fontaine : Le Meunier, son Fils et l’Âne

Bon, je ne comprends pas très bien tout ce qu’il raconte :

L’inventi-on des Arts étant un droit d’aînesse,
Nous devons l’Apologue à l’anci-enne Grèce.

… ?!?

ou alors :

Oh là ! oh ! descendez, que l’on ne vous le dise,
Jeune homme qui menez laquais (z)à barbe grise

… ?!?

Diérèses, rimes, alexandrins…

L’inven-ti-on, en quatre pieds, le si et le on bien séparés.

J’ignore encore ce qu’est une diérèse. J’ignore tout de ce procédé poétique qui consiste à dissocier deux voyelles à l’intérieur d’une syllabe afin de récupérer un pied supplémentaire.

L’anci-enne Grèce. Diérèse encore.

Comme c’est bizarre de prononcer les mots de cette manière !

«Laquéza» barbe grise…

Laquéza, mot inconnu…

J’ignore encore l’orthographe, à plus forte raison les liaisons. Et de toute manière, je ne connais ni le mot ni la notion de laquais.

Barbe grise, ça, je connais !

Je découvre La Fontaine par bribes.

Le sens général du texte m’échappe, mais je sais… je ressens plus que je ne sais, qu’il se passe quelque chose…

Le contexte est celui du spectacle : un artiste – mon père –, des spectateurs émerveillés – ma mère, mon frère, moi –.

La musique des mots

Et si je ne comprends quasiment rien à tout ce que déclame mon père, je comprends qu’il raconte une histoire fantastique avec des mots mystérieux. Je comprends que ces mots sont mus d’une musique magique – les diérèses, le rythme réglé de l’alexandrin avec ses pauses aux troisième, sixième, neuvième et douzième pieds, les rimes que je ne décode pas encore, mais dont ma jeune oreille enregistre les répétitions – et que l’assemblage, l’intrication de ces mots sibyllins et de leur musique surprenante raconte une histoire qui émerveille les gens.

Mon goût de la langue des dieux, mon attirance pour le spectacle et l’émotion sont nés là.

Attention, pas n’importe quelle poésie.

Celle qui emploie des mots mystérieux,

celle qui joue une musique mélodieuse,

celle qui raconte une histoire avec un début, un milieu et une fin, et de préférence comportant une morale.

Celle qui est donc façonnée parfaitement, car pour chanter à l’oreille, pour émerveiller l’esprit, pour interroger les idées, pour émouvoir le cœur, pour faire rire ou pleurer, il faut une réalisation d’artiste, un objet parfait, une mécanique ajustée, chaque pièce à sa place, tout cela sans doute, je le découvrirai plus tard, fruit d’un travail acharné de l’artiste…

Je pratique mon activité notamment pour retrouver ces moments-là…

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