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« Sutor, ne ultra crepidam »

Le langage étant le support de la pensée, je suis toujours à l’affût des nouveautés du langage qui révéleraient de nouvelles pensées.

Et un terme vient de faire sa réapparition, enfin depuis quelques mois, remis au goût du jour par Étienne Klein, physicien et philosophe des sciences, notamment dans son essai Le goût du vrai que je viens de lire avec délectation.

L’ultracrépidarianisme.

L’ultracrépidarianisme, c’est donner son avis sans savoir ! Comme le dit si bien Étienne Klein : « On est tous pour ou contre le nucléaire, pour ou contre les nanosciences… Mais qui d’entre nous est capable de dire ce qu’on met vraiment dans un réacteur nucléaire, ce qu’est une réaction de fission, comment ça fonctionne, qu’implique E = mc2, qu’est-ce qu’une cellule souche, un OGM… ? Personne ! »

Nous parlons souvent avec assurance de choses que nous ne connaissons pas vraiment.

L’ultracrépidarianisme est un terme qui nous vient des Grecs. Il s’inspire d’un commentaire qu’aurait fait Apelles, un célèbre artiste, à un cordonnier.

Ce cordonnier fait une remarque au peintre quant à sa représentation d’une sandale, le peintre s’empressant de corriger son trait.

Encouragé par ce « succès », le cordonnier entreprend alors de faire d’autres remarques au peintre sur sa peinture et s’entend alors dire « Sutor, ne ultra crepidam » ce qui signifie en substance qu’un cordonnier ne doit pas parler au-delà de la chaussure !

La parole aux experts ?

L’ultracrépidarianisme, c’est donc l’habitude de donner des conseils, livrer ses opinions quant à des sujets qui vont au-delà de ses compétences.

Pourtant l’idée n’est pas de laisser la parole aux seuls experts. N’importe qui a le droit de poser des questions aux experts, de les interpeller. Mais il nous faudrait argumenter, nous en donner le temps, discuter sans s’opposer, avec des arguments d’analyse et non des arguments primaires.

Alors, continuons dans nos conversations à pratiquer l’ultracrépidarianisme mais ne soyons pas dupes et essayons au moins d’en avoir conscience.

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