Le vieux Léon, interprété par votre serviteur avec les Brasse-sens
Quoi de mieux que la poésie, la langue des dieux, pour bien exprimer les émotions ?
On a déjà vu dans un précédent article ce qu’étaient les vers de poésie et les rimes pauvres, riches ou suffisantes.
Ici, ça se corse, car Brassens a écrit nombre de poésies en vers très courts. Souvent 4 pieds seulement, parfois même 3 pieds voire 2 pieds comme dans La Cane de Jeanne – « Un oeuf » –
Le Vieux Léon est entièrement écrit en vers à 4 pieds. Rendez-vous compte. Il n’y a que très peu de place pour faire entrer les idées, les images, les rimes suffisantes ou riches. Il faut être d’une grande érudition pour trouver les mots qui conviennent, ciseler les idées ; il faut parfois découper délicatement le mot en son milieu pour y dénicher une rime ad hoc.
Le vieux Léon était un personnage qui faisait la manche en jouant de l’accordéon, dans le quartier parisien où vivait Brassens, près de l’Impasse Florimond. Et puis un jour, il ne fut plus là, parti pour sa dernière demeure.
Brassens regrette alors de ne l’avoir pas assez connu, côtoyé, remercié peut-être. Cette chanson est une ode à l’amitié, à la sympathie, à l’affection, à la bonté, à la camaraderie, à la bienveillance, à la fraternité…
Pour bien tout saisir, il faut aussi savoir que sainte Cécile est la patronne des musiciens, que dans le langage des fleurs, le myosotis signifie « ne m’oublie pas »
« Tous sont restés
Du parti des
Myosostis »
c’est-à-dire qu’on continue de penser à lui
et que le « p’tit bleu », c’est le verre de rouge.
Voici ci-dessous l’interprétation réalisée en 2010 par les Brasse-sens – oui, nous avons fait des progrès depuis – c’est-à-dire Julien à la deuxième guitare, Flipton à la contrebasse et votre serviteur à la guitare d’accompagnement et au chant.
Y a tout à l’heure
Quinze ans d’malheur
Mon vieux Léon
Que tu es parti
Au paradis
D’l’accordéon
Parti bon train
Voir si l’bastrin-
Gue et la java
Avaient gardé
Droit de cité
Chez Jéhovah
Quinze ans bientôt
Qu’musique au dos
Tu t’en allais
Mener le bal
À l’amicale
Des feux follets
En cet asile
Par saint’ Cécile
Pardonne-nous
De n’avoir pas
Su faire cas
De ton biniou
C’est une erreur
Mais les joueurs
D’accordéon
Au grand jamais
On ne les met
Au Panthéon
Mon vieux, tu as dû
T’contenter du
Champ de navets
Sans grandes pom-
Pes et sans pompons
Et sans ave
Mais les copains
Suivaient l’sapin
Le coeur serré
En rigolant
Pour fair’ semblant
De n’pas pleurer
Et dans nos coeurs
Pauvre joueur
D’accordéon
Il fait ma foi
Beaucoup moins froid
Qu’au Panthéon
Depuis mon vieux
Qu’au fond des cieux
Tu as fait ton trou
Il a coulé
De l’eau sous les
Ponts de chez nous
Les bons enfants
D’la rue de Van-
Ves à la Gaîté
L’un comme l’au-
Tre au gré des flots
Fur’nt emportés
Mais aucun d’eux
N’a fait fi de
Son temps jadis
Tous sont restés
Du parti des
Myosotis
Tous ces pierrots
Ont le coeur gros
Mon vieux Léon
En entendant
Le moindre chant
D’accordéon
Quel temps fait-il
Chez les gentils
De l’au-delà
Les musiciens
Ont-ils enfin
Trouvé le la
Et le p’tit bleu
Est-c’que ça n’le
Rend pas meilleur
D’être servi
Au sein des vi-
Gnes du Seigneur
Si d’temps en temps
Un’ dam’ d’antan
S’laisse embrasser
Sûr’ment papa
Que tu regrett’s pas
D’être passé
Et si l’bon Dieu
Aim’ tant soit peu
L’accordéon
Au firmament
Tu t’plais sûr’ment
Mon vieux Léon
2 commentaires
Ezra
Bonjour, après vous avoir félicité au sujet de la qualité de votre site, quelques petites réflexions sur l’interprétation de votre trio et sur vos explications. Tout d’abord, puisque vous mentionnez à juste titre sainte Cécile comme patronne des musiciens, il me semblerait dommage d’omettre que Léon était juif : …avaient gardé droit de cité chez Jéhovah, et …quel temps fait-il chez les gentils (les non-juifs, les goys) de l’au-delà.
Cela dit, et à propos de la musique elle-même, il est à mon avis regrettable que votre guitariste, qui du reste ne paraît pas avoir de problème pour bouger ses doigts, ait systématiquement recours à la pentatonique (vaguement jazzifiée) pour accompagner cette mélodie. Ce choix me semble être totalement hors sujet et dénaturer l’esprit de la chanson — étant entendu que vous-même l’interprétez dans le style de la version originale. Si vous aviez opté pour une version rockisée, je n’aurais rien à trouver à redire au jeu de votre musicien, mais il y a là, je crois, une incohérence et une faute de goût.
Avec mes amitiés brassensophiles,
Ezra
Ply
Bonjour Ezra,
Merci pour vos félicitations. Certes, il y aurait bien des choses à ne pas omettre encore, mais nous n’étions l’autre jour qu’en échantillonnage de notre spectacle comme il me semblait l’avoir expliqué.
Je partage avec vous et Julien votre avis sur la pentatonique dans cette très vieille version de notre Vieux Léon – treize ou quatorze ans. Heureusement nous avons parcouru bien du chemin depuis, et la pentatonique n’a désormais plus cours dans notre interprétation. Mais sans doute nous a-t-il fallu passer par là pour progresser.
Merci de nous avoir livré votre opinion sans ambages.